HISTORIQUE
: Jusque dans les années 1950, les terrains en terrasses,
comme beaucoup en Balagne, étaient cultivés en
agropastoralisme mêlant pâturages pour les brebis et
oliveraies centenaires. La déprise agricole a vu
progressivement le maquis regagner les zones les plus pentues
tandis que de la vigne était plantée sur les plus
grandes parcelles. Après l'incendie de 1980 qui détruisit
ce qui restait de vigne et la presque totalité des oliviers,
les terrains servirent de pâturage jusqu'à la plantation
des amandiers à la fin des années 90. Les difficultés
pour rentabiliser l'exploitation avec des cours de l'amande peu
élevés la conduisirent progressivement à
l'abandon. Fin 2013, après 20 ans au sein d'une institution
financière, j'ai entrepris de réhabiliter ce verger
avec comme principe directeur le respect de
l'environnement.
OBJECTIF : Le défi est de
réussir à obtenir une production à un coût
raisonnable tout en minimisant l'empreinte environnementale de
l'exploitation. Le terme environnemental a une dimension
beaucoup plus large que celle de l'agriculture biologique : le "bio"
se limite pour l'instant à l'usage de fertilisants et de
produits phytosanitaires d'origine naturelle (non chimique). Le
respect de l'environnement porte également sur des domaines
moins spécifiquement agricoles, tels que l'empreinte carbone
ou la gestion des déchets et englobe des aspects purement
humains (entretien du patrimoine rural, diminution des nuisances
sonores, visuelles voire olfactives que peut engendrer une activité
agricole).
DIFFÉRENTS ASPECTS DE LA CONDUITE DU
VERGER ET MÉTHODE RETENUE
Traitements
phytosanitaires et fertilisants :
l'amandier présente
l'avantage d'être un arbre rustique dont les fruits ont peu de
ravageurs de grande ampleur. Contre les moisissures (Monilia,
fusicoccum...), la Balagne a le meilleur fongicide naturel : son
climat, sec et venté. Pour nourrir les arbres, plutôt
que de faire venir des ammonitrates égyptiens ou du lisier de
Bretagne, utilisons les ressources à portée de main :
le maintien d'un enherbement du verger, où le trèfle
blanc domine, et l'apport de résidus de broyage de
végétaux suffisent. Deux conditions préalables
: une densité de plantation modérée et le
maintien de nombreuses réserves végétales sur
l'exploitation (haies, bosquets) qu'il convient d'entretenir. La
densité intiale de plantation (5mx7m), un peu élevée
selon moi a été compensée par le dépérissement
d'arbres ces dernières années. Pour être très
précis, j'ajoute que le broyage de végétaux,
souvent présenté comme beaucoup plus écologique
que le brûlage, est consommateur de carburant fossile et qu'il
est parfois grandement préférable de procéder à
un écobuage qu'à un broyage, notamment s'il s'agit de
ciste qu'on va réensemencer en le broyant...
Illustration
ci-dessous avec le broyage de résidus de chênes et
d'oléastres provenant de la bordure de la parcelle:
avant broyage |
après broyage |
|
|
Et
la beauté d'un enherbement naturel avril 2016 (cliquer sur la
photo pour ouverture plein écran):
Irrigation
:
L'irrigation,
sans être absolument indispensable, est préférable
pour obtenir une production régulière (limiter
l'alternance) et des amandes bien formées : la Balagne peut
connaître des périodes de sécheresse très
marquées et si l'amandier ne meurt pas, il s'adapte au
détriment de son cycle végétatif normal (il perd
ses feuilles et les fruits ne vont pas jusqu'à complète
maturité). L'irrigation en goutte à goutte, installée
sur le verger à l'origine, est efficace mais trop fragile pour
les conditions d'exploitation : la richesse de la faune est un
handicap, plusieurs espèces (sangliers, corneilles,
rongeurs...) causant des dommages considérables aux tuyaux.
L'entretien de ce réseau (plus de 20 kilomètres de
goutte à goutte!) nécessite trop de temps et de
surcroît produit des déchets non aisément
recyclables (polyéthylène). Si la solution
retenue, l'arrosage manuel au pied de l'arbre, est elle-même
très consommatrice de temps, elle a l'avantage d'être
assez économe en eau et surtout de ne produire aucun déchet.
Le temps d'arrosage est mis à profit pour tailler l'arbre si
nécessaire.
Travail
mécanique :
Le
recours au tracteur est souvent trop systématique. Plusieurs
aspects incitent à s'en dispenser lorsqu'une solution
alternative est possible. Nuisance sonore pour l'utilisateur et son
environnement et pollution liée à la combustion du
gazole apparaissent en premier lieu mais le tassement des sols me
paraît le plus nuisible. Il suffit de voir l'effet du passage
d'un engin de plusieurs tonnes sur un sol aéré et
végétalisé pour s'en rendre compte. Limiter le
recours au tracteur permet de laisser un sol végétalisé
et aéré et dispense d'un travail mécanique de
décompactage. La sécheresse estivale de la Balagne
permet une limitation naturelle de l'enherbement. Seul le ciste peut
croître de manière trop importante : un arrachage manuel
régulier, aisé après un épisode pluvieux,
permet de le contenir.
Un autre exemple des effets néfastes
du tout mécanique est le nettoyage des bordures au
gyrobroyeur : outre la perte de la matière organique, qui
reste sur la bordure au lieu d'être déposée sur
le rang dans le cas d'un traitement manuel des bordures, l'usage du
gyrobroyeur est souvent fatal aux murs en pierre sèche qui
délimitent les parcelles. Ci-dessous, réfection d'un
mur poussé par des branches lors d'un gyrobroyage :
L'usage
du tracteur reste indispensable pour la récolte, la technique
du vibreur, très efficace, nécessite une énergie
que seul un engin motorisé peut fournir. Il en est de même
pour le broyage des bois de taille.
Ci-dessous :
récolteuse à corolle et aire de travail pendant la
récolte, que j'assure entièrement seul. Se soucier de
l'environnement ne signifie pas cultiver 20 hectares avec un âne
et une pioche!